💌 Lettre à ma première prise
Je me souviens encore de toi.
De ce tout premier enregistrement, ce moment un peu flou entre excitation et peur, entre curiosité et doute.
Tu n’étais pas grand-chose, en apparence : un texte un peu froid, administratif, pour un magazine d’assurance envoyé chaque mois par mail à leurs abonnés.
Pas de storytelling, pas d’émotion à interpréter, pas de musique derrière.
Juste des phrases longues, parfois bancales, à lire d’une voix claire et posée.
Je faisais la
retranscription audio de ces articles.
C’était répétitif, chronophage, et surtout…
mal payé.
Mais à ce moment-là, ça ne comptait pas vraiment.
Parce qu’au fond, ce que je découvrais, c’était
le plaisir d’enregistrer.
Le frisson du “REC” rouge qui s’allume, la concentration qui fait oublier le reste du monde, le besoin de recommencer jusqu’à ce que ce soit “juste”.
Je n’avais pas encore de home studio.
Pas de cabine traitée acoustiquement, pas de micro Neumann, pas de préampli haut de gamme.
Seulement un casque, un logiciel que je découvrais à tâtons, et un rêve un peu flou :
utiliser ma voix autrement.
Pas pour chanter cette fois, mais pour
interpréter, même un texte technique, même un sujet sans émotion apparente.
Tu étais ma première.
Ma première vraie collaboration, ma première livraison de fichier audio, ma première fois à écouter ma propre voix et à me dire :
“Ce n’est pas si mal… mais je peux faire mieux.”
Et c’est exactement à cet instant-là que tout a commencé.
Parce que derrière ces phrases d’assurance, derrière cette mission anodine, il y avait une graine.
Celle de la persévérance, de la passion, du sens du détail.
Celle qui pousse à passer des heures à peaufiner une respiration, à lisser un souffle, à chercher “le ton juste”.
Depuis, j’ai enregistré des pubs, des films, des campagnes, des voix de personnages, des chansons même.
J’ai eu la chance de prêter ma voix à de belles marques, à de beaux projets, à des histoires qui touchent.
Mais je ne t’ai jamais oubliée, ma première prise.
Parce que c’est toi qui m’as appris à tenir bon.
À aimer le travail invisible, celui qu’on fait seul, tard, sans applaudissements.
À comprendre que chaque mot, aussi simple soit-il, mérite d’être dit avec sincérité.
Tu m’as appris la patience, la rigueur, la justesse.
Et quand aujourd’hui j’entre dans ma cabine, quand je ferme la porte et que le silence s’installe, je repense à toi.
À cette version de moi, un peu maladroite mais déterminée.
Celle qui ne savait pas encore que la voix allait devenir son métier, son outil, son espace de liberté.
Alors merci.
Merci d’avoir été tremblante, imparfaite, un peu monotone peut-être.
Mais vraie.
Merci d’avoir existé, d’avoir ouvert la voie (et la voix).













